Mars 2012

Samedi 31 mars (26/366) 
"Aujourd'hui le monde est petit"


Enfermée dans une boîte.
Dedans,  le monde est rétréci. Quand on est assis à l’intérieur, on peut allonger les jambes, enfin presque, étirer les bras. Se retourner est plus compliqué, car c’est un peu étroit. Il est possible de boire, manger quelque repas sur le pouce. On peut même lire, écrire, jouer aux dames. Regarder des images, le paysage, écouter de la musique. On y entasse quelques vêtements, des chaussures, un nécessaire de toilette, un peu de nourriture, une couverture. On peut même parfois s’allonger, dormir, ou penser.
Certains y habitent, par plaisir, ou par malheur.
Souvent, les boîtes se déplacent. Pendant quelques minutes, heures, jours,  voire des semaines.  Elles traversent alors des mondes bien plus vastes que ceux qu’elles contiennent.
Enfin, un jour, les boîtes s’arrêtent pour ne plus repartir. Leurs petits mondes intérieurs  se vident, pour  se répandre et combler d’autres mondes, enfermés dans des boîtes.



Vendredi 30 mars (25/366) 
"Aujourd'hui je pourrais écrire sur ma tête"

Le printemps mène la fête
A Barcelonnette
Mais voilà le mal de tête
Un virus clandestin et méchant
Glissé dans nos bagages normands
S’est invité pour jouer les trouble-fête
A Barcelonnette
Pour conjurer ce mauvais sort
J’écrirai mille fois dans ma tête
Je ne suis jamais malade à Barcelonnette.

Jeudi 29 mars (24/366) 
"Aujourd'hui ça change tout le temps"

 
Ballade en direction du col La Pierre.
Neige de printemps. D’abord absente. Fondue. Fondante. Puis tassée, durcie. Gelée en surface. En plaque de glace. Translucide. Blanc pur. Noirâtre, boueuse, salie. Crade. Rousse d’aiguilles de pin.
Puis croûtée. Dure. Continue. Neige glacée. Neige qui porte le pied gauche. Mais ne porte pas le pied droit. Imprévisible .
Neige mouillée. En boulettes dévalant les pentes gelées, avec un son de pluie. En corniche, en plis. Qui s’effondre en vrac.
Neige en soupe. Déjà en eau.
Neige éternelle.  Jamais pareille.

Mercredi 28 mars (23/366) 
"Aujourd'hui une action éclair"
 
Petit déjeuner. Je veux ouvrir un bocal contenant du yaourt de brebis. Impossible. Tous les pots de confiture et  bouteilles en verre de jus de fruit me résistent. Je n’y arrive jamais. Demande de l’aide à L. Il l’ouvre immédiatement. Je lui demande «Mais comment tu fais ? » Réponse : « c’est parce que tu y vas trop progressivement, tu t’épuises. Il faut y aller d’un seul coup, donner une impulsion, très brève » Moi : « Comme un éclair ? Comme pour lui faire peur ? »  « Oui, c’est ça. Et le mieux c’est de pousser en même temps un grand cri, comme au karaté ». Rires.
C’est les vacances.


Mardi 27 mars (22/366) 
"Aujourd'hui une personne nerveuse"
 
Il est adorable, plein d’humour, toujours prêt à donner un coup de main, rendre service, avancer les tâches quotidiennes. Toujours actif. Premier à la douche, premier à se lever, à se coucher. Premier à préparer la suite. Toujours devant. Conduite automobile hachée, nerveuse, comme il est tout entier. On dirait qu’il a toujours peur d’être en retard. Ce matin encore, à l’arrêt de la machine à laver, prêt à secouer la porte, car cela  ne s’ouvre pas assez vite. On lui rappelle que la machine, chez lui, impose aussi un délai d’attente. Certifie que non. On lui dit « patience » mais il piaffe. Tourne en rond devant l’objet. Un grand nerveux. Presqu’épuisant par son agitation permanente. Parfois envie de lui dire : enfin, quand est-ce que tu t’arrêtes ?
Mais tellement gentil, qu’on lui pardonne.


Lundi 26 mars (21/366) 
"Aujourd'hui j'éviterai de dire que"
 
Invités ce soir chez les T. Je pense à une liste de trucs agaçants, des choses à réparer, comme le barreau support de la douche qui menace de s’effondrer, l’étagère du frigo qui manque, des interrupteurs qui ne fonctionnent plus, certaines chaises de jardin cassées. Car la bergerie transformée en gîte se dégrade avec le temps….
Mais quand on sera chez eux, on n’osera pas. Ou plutôt on évitera d’en parler. Cela les ferait vieillir encore un peu.
On préfèrera leur dire notre joie d’avoir observé ce matin un tétras lyre, perché en haut d’un grand  mélèze. Et combien son doux roucoulement enchanta nos oreilles.
Leur regard s’émerveillera, et nous nous réjouirons ensemble d’être là, dans cette chère vallée que nous aimons tant.


Dimanche 25 mars (20/366) 
"Aujourd'hui un air en tête"

Ballade en forêt : grands arbres, nombreux oiseaux. Printemps des chants. Phrase en tête : "c’est le printemps, la nature chante des psaumes ». Polyphonies pour cinq à dix voix. J’essaie de distinguer les airs superposés : je reconnais le rire d’un pic, puis la tirade du pinson « qui a toujours bien gagné sa vie », phrase mnémotechnique pour s’en souvenir. J’isole un chant, assez monotone, trois sons semblables : tzzt, tzzt, tzzt  puis une pause. Et ça recommence, comme si on disait un, deux trois, lentement, et qu’on s’arrêtait. J’écris la mélodie dans ma tête. Mais quand la ballade sera terminée, j’aurai probablement oublié cet air inconnu. Je m’interroge : comment font toutes ces créatures pour garder leur air en tête ?

 Samedi 24 mars (19/366)
"Aujourd'hui super héros"
 
Un pont en bois, ou plutôt une passerelle. Un peu tordue, légèrement branlante. Aucune rambarde. Elle est recouverte d’une fine couche de gel, qui la rend glissante. Si on dérape, c’est une chute certaine quelques mètres plus bas, dans les rochers du torrent. Je regarde les autres qui passent un à un, avec précaution : quand une personne traverse, toute la passerelle ondule, comme des graminées sous le vent. Qu’est-ce que c’est beau mais pas fait pour moi, si peu d’équilibre. On me dit ; en marchant sur les clous, ça passe. Quoi, faut-il jouer au fakir en plus ? Je reste sur le bord. Pas trop héroïque, la fille.
 
Vendredi 23 mars (18/366)
"Aujourd'hui toucher"
  
Un dessous-de-plat en forme de pomme. Représente le comble d’un objet indispensable en cuisine : se démantibule dès qu’on y touche. Un piège.


Jeudi 22 mars (17/366)
"Aujourd'hui le bien le mal"


Quand elle salue quelqu’un, elle dit toujours : « bonjour, ça va ? »
Toute la journée.
On se rencontre dans la pièce mal commode et j’y ai droit.
Je réponds : « Oui, ça va bien, et toi ? ».
Elle répond : « ça va ».
Trente secondes après, je sors.
On se croise de nouveau à la porte.
Elle me redit « ça va ?».
J’ai failli dire : « Non, ça va mal, pas toi ? ».
Histoire de voir.
Mais j’ai rien dit du tout.
Parfois on deviendrait méchant. Bien qu’on soit plutôt gentil.



Mercredi 21 mars (16/366)
"Aujourd'hui ce qu'il en restera dans un an"



Ils avaient une réunion.
Ils sont partis en disant : on va semer des graines.
Une réunion d’échange pour développer des relations pour mieux communiquer avec une institution agricole.
On voit tout de suite de quoi il s’agit.
J’ai pensé : quel beau programme, semer des graines de communication.
En fait, je ne sais pas si ça lève, ce genre de graines.
Ni si c’est annuel ou vivace.



Mardi 20 mars (15/366)
« Aujourd’hui au pied du lit »

Pardonnez-moi
Pour ce printemps qui pleure.
Aujourd’hui j’ai pas pu.
Je n’ai rien vu. 
Ou plutôt, si. Je n’ai vu que cela.
Au pied du lit de la mort, il y avait sept corps.
Huit personnes abattues.
Une, dimanche onze. Trois, jeudi quinze. Quatre, lundi dix-neuf.
Sept morts.
Et un homme entre la vie et la mort.
Combien au total sont prévus ?
Dans la tête du tueur ?
Dans le contrat ?

 Lundi 19 mars (14/366)
« Aujourd’hui en toc »

Il est accroché juste au-dessus de la pointeuse, l’infâme boîtier à écran gris qui évite presque de regarder l’heure. On ne peut pas ne pas le voir, encore que. Car on surveille d’abord le temps qui reste à faire.
Ce n’est pas un bijou extraordinaire, bien évidemment du toc. Il attend sa propriétaire.
Une boucle d’oreilles argentée, en forme de clef de sol, discrètement ponctuée de petites pierres.
Quelque jeune fille l’aura perdue, en poussant cette lourde porte en verre, qui ne songe qu’à vous écraser.
Elle est belle. Une solitaire.
 


Dimanche 18 mars (13/366)
"Aujourd'hui un moment où j'ai regardé l'heure"

Pas su  lequel choisir
Pas eu le temps de réfléchir
Tout un dimanche à courir
Pas de quoi se réjouir
Attention chute de neurones
Carton jaune

Samedi 17 mars (12/366)
« Aujourd‘hui fallait pas que »

Elle était encore là, celle-là, avec sa veste rouge, et sa boîte noire à clic-clac, à me poursuivre dans Mon parc,  à faire des simagrées,  se mettre à quatre pattes… pour me tirer le portrait ! Tous les samedis elle y revient : un vrai singe, je vous dis ! Alors là, fallait pas exagérer, j’ai autre chose à faire :  Madame à courtiser, c’est une toute autre affaire !
Tant  cette folle m’agaçait, que pour lui faire enfin  peur,  je lui jouais  la marche finale de l’empereur, œil menaçant,  bec  en avant !
C’est Moââ, le PAON,  de la Poterie de Bavent !



Vendredi 16 mars (11/366)
 « Aujourd’hui  une belle image »

J’ai failli dire « joker ». Non. Pas ça. Pas encore. Pas une belle image. Mon obsession quotidienne. Ma joie et mon cauchemar.
Mais elle m’a sauté à la figure. Ce n’était pas une image, pas une vraie image. Et pourtant les mots créent des images. N’apprend-on pas ainsi  à lire et à écrire, avec tous ces petits dessins formés par les  lettres ?
Dans la galerie, il était donc écrit, en lettres géantes ‘ « Pour votre plaisir..Votre boutique se rénouve pour mieux vous accueillir. » J’ai d’abord cru à une erreur. Mais non. La chose était placardée de la même manière, en cinq exemplaires. Énorme.
J’aurais bien invité quelques taggueurs à venir exprimer tout leur art, pour recouvrir ce slogan imbécile.
Mais peut-être n’ai-je pas compris … qu’il s’agissait d’une poésie ?


Jeudi 15 mars 2012 (10/366)
« Aujourd’hui petite satisfaction personnelle »

J’ai toujours admiré les arbres. Je n’en ai jamais vu de laid. Cela n’existe pas. Ou bien c’est un élagage malheureux, qui l’aura amputé ou déséquilibré. Alors je ne me lasse pas de les photographier.  Et ce matin, je lis un commentaire à propos de l’une de  mes modestes  images,  que j’ose proposer à Monsieur Internet. Il dit : « stunning capture tree » Mon petit  traducteur préféré répond :   « c’est une magnifique capture d’arbre. »
Alors oui, pour cette fois, je m’autorise à le  penser, je suis contente de moi : j’ai  capturé un arbre.


Mercredi 14 mars 2012 (9/366)
"Aujourd'hui moment de solitude"



J’explorais tout à l'heure un beau parc, répondant au doux nom de Beauregard.
Au détour du chemin, je découvre par hasard,
Une grande et  jolie mare
Au bord se cachait un canard…
Vous savez, un de ces canards qui vont toujours par paire.
On les appelle des colvert
L’un est coloré, chatoyant, c’est le mâle.
Elle est plus terne, une robe marron pâle.
Mon canard à moi était bien seul...
Je n’ai pu m’empêcher
De tenter de l’approcher…
Mais il est parti en fureur
Avec toutes ses couleurs
Tout au milieu de sa mare.
Je suis restée un long moment
Car il n’y avait personne…
Nous nous sommes observés
Discrètement
Moi désolée
Lui renfrogné
Je t’ai dérangé
Tu me pardonnes ?

Mardi 13 mars 2012 (8/366)
« Aujourd’hui il a dit »

M. est une fille sympathique. Ses explosions de rire font la joie du quartier. Toute menue, trop petite, toujours perchée sur des talons aiguille. Quand je marche derrière elle, je surveille ses chevilles en craignant qu’elle ne tombe. C’est une équilibriste. D’ailleurs, chaque matin, elle part faire sa vaisselle de café, le plateau rempli de tasses bringuebalantes, perché lui aussi dans sa main droite. Elle danse. Ce matin, dans le couloir, K lui dit, légèrement ironique : « Étiez-vous barman dans une autre vie ? »  Elle lui répond : « Oui bien sûr, mon père était barman et m’entraînait pour des concours de plateau ». K, épaté : « Ah oui, vraiment ? » Et M : « Mais non, c’est pas vrai ! » Et elle éclate de rire.
Elle est vraiment chouette, M.



Lundi 12 mars 2012 (7/366)
"Aujourd'hui facile facile"


Un de mes meilleurs amis m’apprend ce matin qu’il recommence à fumer…un peu. Un peu …ils disent toujours ça.
Je l’enguirlande, je le houspille, je crie « mais pourquoi ça ? »
Facile, trop facile de "retomber dedans" ? Facile, trop facile de lui "tomber dessus", lui dire que ce n’est pas bien, pas bon pour lui etc. ?
Mais qu’y a -t-il de facile ?
Non, décidément non, rien de facile. Que du trop facile.
T’avais raison, grand Jacques...



Dimanche 11 mars (6/366)
"Aujourd'hui blanc"

Devant ma feuille blanche, je reste dans le noir.
Mais je ne vois que du blanc.
Blanc de la honte et blanc de la colère,
Blanc de la peur et blanc de la mort.
Onze mars deux mille onze,  Fukushima
Je ne saurais dire aujourd’hui d’autre blanc que celui-là.

Samedi 10 mars (5/366)
"Aujourd'hui sentiment de déjà vécu"


Je t’ai pourtant guetté
Toute la sainte journée...
Mais tu n’es pas venu,
Vertige d’un moment,
Étrange sentiment
D’avoir déjà vécu
Ce même instant présent.



Vendredi 9 mars (4/366)
 "Aujourd'hui debout dans"

Elles parlent. Ils parlent. Debout dans le couloir, la vie s’écoule.
Des galeries blanches, parfois éclairées de néons roses, verts ou jaunes.
On y tient des réunions impromptues. On prend le café. On discute. De tout et de rien. On refait le monde. On raconte ses soucis. On y rencontre untel, qu’on n’avait pas croisé depuis six mois. On cherche un bureau, un numéro ou une personne. On s’égare. On tourne en rond. Et on repart au début.
Nos couloirs sont immenses. Et le temps passe, debout dans le couloir.




Jeudi 8 mars (3/366)
"Féminité"


Lu ce matin sur un blog de Libé, un article intitulé Nues pour la révolution. « En hommage à la blogueuse égyptienne Alia Ehmahdy, des activistes féministes du monde entier publient un calendrier pour défendre les droits et la liberté des femmes. »

Cela ne me plaisait pas plus que ça, mais j’ai lu l’article avec attention, observé ces femmes nues. Photos en noir et blanc, avec des pointes de rouge. Bon, d’accord c’est volontairement provocateur, militant etc. mais je n’accroche pas, je n’aime pas ces photos, je ne les trouve pas belles. En quoi la nudité de ces femmes ainsi affichée, traitée de cette manière, sur un calendrier, sert une aussi noble cause que les droits et libertés des femmes ? 
Je cherche mais …c’est comme tenter d’avaler un aliment que je n’aime pas. Un médicament, par exemple. Beurk !




Mercredi 7 mars (2/366)
"Leçon à apprendre par coeur"

Tu ne pourras pas dire que tu ne savais pas. Vu le thème du jour, il fallait une histoire de « mémoire », il serait même fort apprécié qu’il y en ait une dans la journée, car elle était attendue... ll n’était point précisé de quelle mémoire il s’agissait.
Il était donc une fois… une réunion. Tu es partie confiante avec ton petit « notebook » pour prendre en note (justement) les paroles des gens, leurs échanges comme ils disent…
Patatras, en fin de matinée, mauvaise manipulation, mauvaise vue, coup du sort, que sais-je encore, le petit « notebook » fait des siennes, perd la boule, sa mémoire flanche et toi avec ! Deux heures de réunion envolées…la moitié des notes perdues et tu repars avec cette phrase obsédante à l’esprit « j’aurais dû apprendre mes notes par cœur ! ».
L’après-midi, ce sera encore une affaire de mémoire puisque tu t’acharneras à extraire des creux de ton cerveau  leurs propos plus ou moins vides de sens pour les transcrire à nouveau…
Finalement, quelle bonne leçon !
 

Mardi 6 mars (1/366)
"Il faudrait réparer"


C’est un lieu froid, étroit et mal commode. On y croise, embarrassé, des collègues un peu gênées. Entre celles qui nettoient leur tasse à café et celles qui voulaient juste s’isoler pour se laver les mains ou redresser une mèche échappée…c’est une éternelle bousculade de politesses. Et chacune regarde avec désarroi cet affreux rouleau bruyant et inutile, dont le contenu intitulé essuie-mains, gît, encore une fois, mollement effondré, déjà sali et froissé, répandu sans retenue le long du mur. Viendra-t-on enfin réparer ce fichu ustensile ?

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