Avril 2012

Jeudi 26 Avril 2012 (49/366)
"Aujourd'hui table de"

Pour celle du 2 mai, ne pas compter sur moi.
Intoxication garantie.

 Mercredi 25 Avril (48/366)
"Aujourd'hui la famille"

Famille : ce mot-là devrait évoquer l’amour. Des souvenirs doux. Ou la douleur, car ceux que l’on aime partent toujours trop tôt.
Mais pas la haine.
Hélas, ce matin, sur le poteau du feu rouge, juste devant les yeux : un autocollant en lettres bleues « Sarkozy, les valeurs françaises ».
Autant crever l’abcès tout de suite.
Consigne en tête, immédiatement pensé « Travail, famille, patrie ».
On le savait capable de tout. On y est.
La une de Libé dit tout.
Pourvu qu’il perde.

 Mardi 24 Avril (47/366)
"Aujourd'hui à 11h 30 précises"

« Précises ». J’évacue d’abord le mot qui me tracasse. J’ai beaucoup d’heures différentes ici : aucun cadran n’affiche exactement la même chose que son voisin. Chacun pour soi. L’ordinateur, le téléphone fixe, le téléphone portable, la pendulette et ma montre avancent au même rythme mais ne sont pas partis ensemble. Un drôle d’orchestre.

Mais cela n’a aucune importance.
Car depuis onze heures vingt-cinq jusqu’à trente-cinq, ou presque, finalement, c’était pareil.
Un tableau Excel.
Un silence de couloir vide. Une porte qui s’ouvre, se referme.
L’ordinateur soufflant ses poussières.
Ici, le temps devient intermittent. Il s’arrête quand j’entre dans le bunker. Et repart quand je sors, plus vieux de quelques heures.
A onze heure trente, il n’y avait rien, ou si peu.
Ah, si, juste peut-être, un roucoulement de tourterelle.
Histoire de nous rappeler le printemps.
Sera-t-il chaud, ce printemps-là ?



Lundi 23 Avril (46/366)
"Fragment d'aujourd'hui raconté en sondage d'opinion"


Plutôt marrante, la consigne du jour.
En-dehors des élections, on nous sonde déjà de tous côtés. Sur tout et n’importe quoi.
Lorsque des scrutins s’annoncent, c’est encore pire.
Il n’empêche. Voici plusieurs mois que je dresse l’oreille dès que le mot « sondage » sort du poste. Certains traumatismes rendent nerveux.
Ce matin, la glose concernait à nouveau les sondages.
Sont-ils les premiers perdants ? Avaient-ils prévu le score FN ? De combien se sont-ils trompés concernant J-LM ? Et quid de l’écart entre FH et NS ? Etc.
J’essaie, malgré tout, de m’informer sur le net et j’apprends ceci :

« Les catholiques pratiquants réguliers ont voté à 47% pour Nicolas Sarkozy au premier tour de l'élection présidentielle, selon un sondage exclusif La Vie-Harris Interactive, contre 14% pour François Hollande. »

A la fin de l’article :
« 64% des Français se déclaraient catholiques en 2009 (soit 41,5 millions), contre 87% en 1972. Mais, seulement 4,5% des Français se déclarent pratiquants en 2009 contre 20% en 1972). »

On remarque ainsi la très haute importance du résultat de ce sondage.
Il concerne 4,5 % des Français. Ou moins.
Ceux qui se placent dans le paquet des « catholiques pratiquants » seront peut-être heureux de le savoir. Pour les autres…
Quoique.
J’ai noté en passant que les «catholiques pratiquants» appartiennent à une «espèce» en voie de disparition.
Au vu d'une telle débâcle, le grand-père de D. doit gémir dans sa tombe.



Dimanche 22 Avril (45/366)
 "Aujourd'hui je renonce à"


Entre tous les petits renoncements d’un jour où le ciel nous étourdit de ses colères de pluie, se souvenir d’un seul.
Alors, le meilleur.
Je laisse les traumatismes anciens.  Je renonce à me perdre dans le doute.
Je suis allée à l’urne et j’ai choisi.
On verra bien.


Vendredi 20 Avril (44/366)
 "Aujourd'hui rouge"


Comme dans la plupart des chaumières les élections présidentielles reviennent sans cesse sur le tapis des conversations familiales. Premier tour oblige.
D et moi actualisons nos indécisions partagées. Ce matin, il a une idée. Je lui dis : « On n’est pas obligé de voter pareil »  D : « Sûrement pas !». Moi : « D’ailleurs, toi, je te connais, tu votes CGT » D : « Oui, mais il ne se présente pas ».
Allusion au macaron CGT dont il avait décoré la voiture de ses vingt ans, chose que sa famille catholique avait jugée insupportable. Il avait dû l’enlever.
Car le grand-père avait vu rouge…
Pourtant D n’était pas arrivé le poing levé.
C’est ce qu’il dit.

Mercredi 18 Avril (43/366)
 "Aujourd'hui cela n'aurait pas dû se passer ainsi'

Peut-être aurait-il dû se passer quelque chose ?
Je ne sais pas. Il ne s’est rien passé du tout.
Juste le temps.
On attend.



Mardi 17 Avril (42/366)
"Aujourd'hui chaleur de"


Un printemps version chaleur d’automne.
Vu R. Son discours antipolitique ne m’a guère convaincue. J’ai écouté. Ses critiques sont souvent pertinentes. Mais le conduisent à un nihilisme froid.
Je ne sais pourquoi il suit avec assiduité les interventions des candidats car il n’y trouve aucun écho des questions qu’il se pose. Et il le sait bien. Il vérifie.
Il voterait bien blanc.
Pas très chaud, comme couleur.

Lundi 16 Avril (41/366)
"Aujourd'hui faux et usage de faux"

Je suis une grande débutante dans les achats aux enchères sur Internet, plutôt naïve. Les enchères, ce n’est pas mon truc. Pour la première fois, j’ai voulu acheter une carte postale sur un site connu, recommandé ici et là. Justement trouvé une vente qui se terminait deux heures plus tard. Prix dérisoire, mais la photo n’a rien de très ancien.
Je me suis donc précipitée, et après avoir fait une offre, j’ai mieux décortiqué l’annonce. Ce qui démontre ma sottise.
On ne vendait pas une carte, mais deux scans. C’était écrit. D’ailleurs je voyais bien deux scans sur mon écran d’ordinateur, correspondant aux rectos et versos d’une carte. Il me semblait assez logique de les afficher sur le site. Histoire de voir ce qu’on achète.
Sauf qu’il s’agissait d’acheter les scans.
Une fausse carte. Avec usage de « fausse carte » parfaitement déclaré.
Seulement l’image d’une image…
J’ai retiré mon offre.
Ça commence bien.
 


Dimanche 15 Avril (40/366)
"Aujourd'hui je ne sais pas"

Ce que je ne saurai jamais : faire la liste de tout ce que je ne sais pas.

Ce que je ne savais plus depuis six mois, et que je sais depuis ce matin : où  j’avais  rangé mon album de cartes postales anciennes… Retrouvé presque sans le chercher, dans l’allégresse totale. Joie aussi  géante que le traumatisme de l’avoir perdu. Dans des rêveries cauchemardesques, je croyais l’avoir jeté par erreur, fait aussi épouvantable qu’irrémédiable. Il moisissait  dans une poubelle, ou gisait éventré dans une décharge. Un désespoir infini.

Ce que je ne sais toujours pas : pour qui je vais voter dimanche prochain. Cela ne m’est jamais arrivé. Je sais par cœur tous ceux pour qui je ne voterai pas. Aucun problème. Après, c’est compliqué, il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Je fais la moue. Entre l’utile et l’inutile, je m’égare.  J’interroge l’entourage.  Je copierais bien sur untel ou unetelle, s’ils y voient  plus clair que moi. Mais c’est pareil. Ils hésitent. Sommes-nous tous indécis ?
J’ai la tête en point d’interrogation, qui enfle chaque jour. C’est pesant, une tête en point d’interrogation.
Je finirai peut-être par tirer au sort, dans l’isoloir, un bulletin parmi les trois ou quatre restants. Peut-être même que je ne regarderai  pas lequel arrive dans l’enveloppe. Un comble.
Je ne sais pas.
Et peut-être que je ne saurai jamais.

Oui, encore trop de mots. Pas bien. 

Samedi 14 Avril (39/366)
 "Aujourd'hui sacs"


Préparer son sac pour une journée de  botanique sous la pluie. Enfin, les sacs.
Truc de fou.
Le sac à dos Millet noir : y placer cape de pluie, appareil photo, loupes,  flore, papiers, trousse  (sac  en tissu) à stylos,  téléphone dans sa pochette (sac en tissu), clefs, un peu d’argent dans un porte-monnaie (sac en tissu). Un sac ovale vert pour le pique-nique. Un grand sac en plastique jaune pour les chaussures. Un sac en plastique vert pour les documents. Déjà sept  sacs.
Ensuite, un sac en plastique transparent avec des couverts dedans. Un sac en plastique noir avec une banane à l’intérieur. Un sac en plastique transparent avec une tranche de pain. Ces trois sacs dans le sac vert à pique-nique.
J’ai failli prendre un sac pour mettre le sac jaune et les deux sacs verts. Mais j’ai dit stop.
Une journée à dix sacs.
Chouette, j’ai ma liste de sacs pour la prochaine fois.



Vendredi 13 Avril (38/366)
"Aujourd'hui une pièce particulière"

Vu A. Sa maison en hiver, version solitaire.  La salle à manger normande, bien qu’ardemment  décorée d’assiettes peintes et  de cages à oiseaux, est  transformée en atelier de relieur. Des livres gainés de cuir à tranche dorée couvrent les murs, envahissent les dessus des meubles, buffets et consoles. Colle, pinceaux,  pointes et fers à dorer ont investi la table des déjeuners de famille. Papiers, cartons et peaux s’entassent dans tous les coins.  Une presse trône sans honte au milieu de la pièce.
Tout un joyeux capharnaüm qu’il rangera à la hâte… lorsque S reviendra pour l’été.
Une pièce qui change avec les saisons. Comme un jardin
 

Jeudi 12 Avril (37/366)
"Aujourd'hui  ils vont bien ensemble"


Tout à l’heure, j’observais d’immenses grues portuaires, peintes en bleu et jaune. Une méchante averse m’a finalement détournée de ces gros objets techniques, assez peu esthétiques en soi, quoique.
Bleu et jaune.
Dans mes flâneries photographiques, je les cherche presque toujours, tous les deux ensemble. Si j’ai du jaune, je cherche un bleu. Quand j’ai le bleu, un quelconque jaune accrochera aussitôt mon regard. Comme un clin d’œil. Presqu’une obsession.
Sous toutes les formes. 
Ils vont bien ensemble, et je ne sais pas pourquoi.



Mercredi 11 Avril (36/366)
"Aujourd'hui moment professionnel"

 
Quand elle m’apporte des documents, M. donne toujours l’impression de s’excuser. Aujourd’hui elle semble encore plus gênée. Parce qu’elle est déjà venue hier, en mon absence ? Elle se justifie aussitôt: « M. est parti au Cameroun, cinq semaines, j’ai moins de travail.  Enfin j’en ai tout de même, mais je peux mieux avancer au fil de l’eau. »
Que craint-elle exactement ? Hantise des dossiers qui s’empilent ? Préfère-t-elle se déplacer pour chaque feuille à transmettre, histoire de parler ? S’imagine-t-elle que je la soupçonne inoccupée ?
Je ne lui pose pas de question, elle repart discrètement.
J'ai failli lui dire "A demain". 

Mardi 10 Avril (35/366)
"Aujourd'hui tout ce qui brille"


Ce qui brille n’est pas ici.
Dans la lueur blafarde de nos écrans d’ordinateur, cet univers-là tend vers le gris de la bêtise, aussi terne que désespérante.
Matérielle, d’abord. Un manque de papier à la photocopieuse n’empêchera plus personne de recommencer cent fois la même chose sans aller voir pourquoi ça coince dans le couloir. Bonne âme, vous vous rendrez dans le placard obscur où sont stockés les cartons de recharge. Bizarre, il n’y a pas de papier. Inquiétant. La procédure aura changé mais vous n’êtes sans doute pas au courant. Vous les trouverez finalement abandonnés sous l’escalier. Prendrez à la hâte un paquet de feuilles, un peu agacé.
Les bêtises continueront. On ne vous l’avait pas dit, d’ailleurs à quoi bon, mais la procédure de gestion est modifiée, vous devrez vous-même transmettre certaines pièces au service financier. Avant on le faisait pour vous, rendez-vous compte. C’était trop.
L’immatérielle, ensuite.  Certains se sont aperçus qu’ils pouvaient communiquer en masse par mél, grâce à la fonction « répondre à tous ». En temps de contestation forte, la méthode a du succès. Ce serait même la seule étoile brillante dans cette nuit exaspérante.
Plusieurs millions de méls ont dû être avalés par des machines à genoux. A tel point qu’un rappel à l’ordre de la direction générale est arrivé lui-même par messagerie, assez menaçant. Vite relayé par un sous-directeur, puisque certains n’avaient pas dû comprendre. Ne devaient même pas savoir lire.
Ce qui brille n’est pas ici.
Ou quand ça brille, c’est aveuglant.
Des néons verts, jaunes, roses et blancs.

(trop de mots, oui, tant pis)

Lundi 9 Avril (34/366)
"Aujourd'hui contre le mur"

Ce matin, j’ai retrouvé dans une joie enfantine,  mes loupes de botanique, pourtant cherchées avec fièvre tout l’hiver, dans l’idée du printemps.
Parce que j’ai attaqué avec détermination  deux cartons rescapés  du dernier séisme  appelé  déménagement. Tâche non terminée.
Les cartons  dominent  le monde dans la pièce dite de rangement, qu’il serait plus juste de nommer zone de dérangement.
On y voit des doubles murs. Des murs de cartons sont construits contre les murs blancs.
Quoique désignés d’emblée  "phénomènes temporaires", ils s’affirment  d’autant plus difficiles à détruire qu’ils sont  fragiles et imprévisibles.
Mais ce ne sont pas les plus dangereux.
Il me faudra un jour approcher de ceux que l’on bâtit à l’intérieur  de soi. Les invisibles.



Dimanche 8 Avril (33/366)
"Aujourd'hui itinéraire"

Sans s. Donc un seul.
Alors, le pire. Celui qui me hante. Que je connais par coeur.
Il ne mène nulle part. Et n'a pas de fin.
O.

Samedi 7 Avril (32/366)
"Aujourd'hui laisser passer les petits papiers"

MB me demande des photos de ma famille, pour illustrer une rubrique historique dans une feuille de chou locale,  non sans intérêt.  J’ai dit : « je vais chercher », mais je suis fort embarrassée.
Les photos familiales  tiennent dans une seule boîte en carton. Pleine de vide. Ils ignoraient les albums. Tout en conservant nombre de papiers, presque toujours inutiles.
Le peu que j’ai pu sauver des désastres successifs  concerne parents et grands-parents,  toutes époques confondues, tout ce petit monde gentiment mélangé,  parfois encore dans de vieilles pochettes papier,  retenant quelques négatifs hors d’âge.
J’ai ouvert la boîte à souvenirs  tout à l’heure. Non sans arrière-pensée.
Au fond, bien rangés dans une pochette plastique, précaution sûrement de mon fait, je découvre avec stupéfaction deux trésors, que j’avais, à mon tour, parfaitement oubliés :
•    Un télégramme daté du 30 octobre 1947. Quatre mots : « Viens vite. Baisers. Pierre »
•    Un papier intitulé « LAISSER-PASSER »  estampillé  ETAT-MAJOR des F.F.I.  dûment rempli, en date du  29 septembre 1944, à l’intention de ma mère.
L’histoire de mes parents.
Il n’y a pas de hasard.






Vendredi 6 Avril (31/366)
"Aujourd'hui le temps qu'il fait"

Ah ?
Le temps qu’il fait ?
Plutôt celui qu’il ne fait pas,
Ou qu’il aurait pu faire,
Ou bien qu’il avait fait avant ?
Pendant combien de temps
Parlerons-nous autant
Des temps d’antan ?
Je n’en veux plus de ces temps-là
Comment ne pas être las
De tout ce qui s’entend
Tant de fois au bureau ,
Et même parfois chez soi !
Ce matin même, j’y avais droit !
« Tant qu’il ne pleut pas,
C’est qu’il fait beau. »
Pas très tentant,
Le temps Normand !
C’était pourtant
Un temps de rien
Ciel gris de chien
Fondu de blanc…
Mordu de bleu ?
Au temps pour moi
Il me faudra ouvrir les yeux…
De temps en temps
Il ne fait pas un temps :
Il se défait, le temps
Il ne fait pas un temps,
Il fait des temps.

 



Jeudi 5 Avril (30/366)

"Aujourd’hui un mot que j’ai écrit"

Sur l’agenda j’ai écrit « Saule ». Il faut que j’installe Saule dans un pot, avec tout ce qu’il faut à l’intérieur pour bien démarrer dans la vie.
Je t’ai baptisé « Saule », mais tu n’es peut-être pas un saule. Car tu n’as pas tout dit. De minuscules points verts tendres s’annoncent sur tes branchettes rougeâtres. Quelques frêles racines blanches prennent le frais dans la coupe de verre.
Saule va vite. Promesse d’arbre.
Je guette la suite des événements pour t’informer de ton nom latin, ta famille, en quelque sorte.
Saule, peut-être te plairas-tu en Normandie ?



Mercredi  4 Avril (29/366)
 "Aujourd'hui ceux que l'on porte"


Si seulement c’était la consigne d’un autre jour. 365 autres possibles. Mais non. Même pas un hasard. Je ne peux pas l’éviter. Ni faire semblant d’avoir oublié. Incontournable.
Quatre avril, jour anniversaire de ma mère, disparue depuis longtemps…mais tellement vivante dans des souvenirs trop lourds.
Son amour.
Sa douceur et sa fragilité.
Puis sa maladie qui nous avait envahies, elle et moi, pendant d’interminables années.
Ses efforts inutiles pour dire sa souffrance, mon impuissance à la comprendre.
Stop. Je referme la boîte à douleur.
Trop de larmes restent à verser pour ces chagrins insupportables



 Mardi 3 Avril (28/266)

"Aujourd’hui ce que l’on porte."

Elle frappe à la porte, bien que celle-ci reste grande ouverte. Elle porte une dizaine de feuilles imprimées, attachées avec des trombones, qu’elle compulse un peu fébrilement. Dit bonjour. Je souris : « Bonjour, c’est pour quoi ? » Réponse : « J’apporte juste des petites élections », haussant presque les épaules, l’air gênée de venir pour si peu de chose. Comme si ce n’était rien. Moi : « D’accord, merci ». Elle pose les documents et commence à tourner le dos, fait mine de partir, mais se ravise : « Vous allez bien ? » Moi : « Oui, bien, merci ». Elle poursuit : « Vous prenez des vacances prochainement ? » Moi : « Ah non, j’en reviens ». Et c’est parti.
Impossible d’y couper. Peut-être avait-elle envie de causer.
On peut porter quelque chose à quelqu’un pour le plaisir de bavarder. Un prétexte.
Ou ne pas oser déranger quelqu’un sans un soupçon d’amitié. Une politesse.
Ou tout cela à la fois.
Tandis que d’autres jouent aux fantômes pour échapper aux échanges.
Monde étrange.

Lundi 2 Avril 2012 (27/366)
"Aujourd'hui signature"


Vous rentrez de congé. Retrouver le bunker et ses bureaux froids n’a rien d’enthousiasmant en soi. Mais c’est devant le poste de travail que la catastrophe s’annonce. Des papiers, plein de papiers. Vous n’avez pas posé votre sac que vous surveillez déjà ces feuilles qui attendaient votre retour. Votre œil les regarde de travers. Elles vous sautent dessus, dès votre entrée dans la pièce. Documents empilés, ou éparpillés. La pile sagement rangée ne vous inquiète pas. De loin, vous voyez le post-it jaune, couvert d’une écriture connue. Sans signature, mais vous vous souvenez de quoi il s’agit, vous savez déjà qui vous a confié ces dossiers. On savait qu’il n’était pas besoin de se nommer.
Mais une feuille sur le tapis de souris, une autre sur le clavier, vous intriguent. Celles-là, vous les épluchez sans rien comprendre. Vous essayez de décoder l’énigme. Est-ce seulement pour vous ? Aucune annotation, pas un mot, pas le moindre « de la part de » suivi d’initiales, aucune signature. Posées là comme jetées à la mer, au cas où vous seriez destinataire, l’autre n’ayant pas su lui-même quoi en faire. On n’a pas jugé utile d’y indiquer la moindre information, même minuscule, pour que vous sachiez qui vous offre ce cadeau. On est venu là déposer dans l’anonymat complet, sous X en quelque sorte.
Il ne faudrait jamais revenir de congé.

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